Intervention de Mme Petry, non inscrite, le 22 janvier 2018 à Berlin
Madame Frauke Petry (députée non inscrite) :
Monsieur le Président de Rugy, Monsieur le Président du Bundestag, Mesdames et Messieurs, le Traité d’amitié franco-allemand, dont nous célébrons aujourd’hui le 55e anniversaire de la signature, est un motif de joie. L’amitié franco-allemande est sans aucun doute un jalon essentiel de l’histoire de l’Europe tout entière.
Mais la joie ne saurait tourner à la glorification utopique, comme c’est trop souvent le cas lorsqu’il est question du projet européen. Ce ne sont pas les déclarations d’intention et les effusions de sentiments qui ont construit la maison européenne d’aujourd’hui, mais des idées politiques rationnelles et tangibles, offrant des avantages à toutes les parties prenantes.
Une histoire mouvementée unit et sépare l’Allemagne et la France. Des siècles durant, les deux pays se sont disputé la première place sur le continent. Nous savons tous qu’il n’y a pas de passé sans l’avenir, et qu’il n’y a pas d’avenir sans le passé. C’est ce qui fait l’essence de tout débat politique.
Le passé n’est pas seulement dans les tombes des soldats de Sedan et de Verdun, il est aussi ancré dans l’importante compétition culturelle et économique entre nos deux pays. Telle fut la grande œuvre de Konrad Adenauer et Charles de Gaulle : regarder au plus loin et au plus profond de cette histoire tourmentée et, malgré toutes les blessures du passé, créer un avenir positif pour nos deux pays et pour l’Europe.
Le Traité de l’Élysée n’était d’ailleurs pas le commencement, mais un élément du processus de réconciliation entre deux anciens ennemis héréditaires ; en tant que socle d’une Europe nouvelle, il a donné forme à une politique de sécurité commune, aux interactions économiques et aux échanges cultures.
Mesdames et Messieurs, un demi-siècle plus tard, la CDU/CSU et le SPD ont développé dans leurs entretiens exploratoires ce qu’ils appellent un renouveau pour l’Europe. Mais celui-ci consiste surtout en plus de centralisation, plus de contrôle, plus de dépenses – ces dernières étant même consenties par l’Allemagne dans un esprit de prévenante soumission. Quant à la volonté des citoyens, qui est le fondement de la démocratie, il n’en reste presque rien dans la réalité européenne. Une Union européenne proche des citoyens, pour vous, cela signifie seulement que nous allez mieux l’expliquer, mais vous ne voulez rien faire de plus. Nous entendons beaucoup parler de solidarité, mais beaucoup trop peu de liberté.
Une conscience européenne ne naît pas parce que les gouvernements ou les députés le veulent. Elle naît si les gens perçoivent réellement l’Europe comme une idée à laquelle ils peuvent s’identifier dans leur vie quotidienne. Mais une Europe qui oublie de plus en plus les identités historiques, les cultures spécifiques et les constantes éthiques reste une Europe froide, informe, basée sur un appareil bureaucratique et du papier sans vie.
Mesdames et Messieurs, il est temps de renverser le projet européen et de le concevoir selon le modèle suisse de subsidiarité, de concurrence et de coexistence de mentalités et de langues différentes. Une Europe de la liberté, de la responsabilité, de la concurrence : voilà ce qu’il nous faut. Et cela aurait été un signal véritablement européen si un large débat public avait été organisé en amont de la résolution présentée aujourd’hui.
Il n’y a pas d’amitié sans sincérité.
Merci beaucoup.
Monsieur Wolfgang Schäuble, président :
Le dernier orateur de ce débat est M. Jürgen Hardt, pour le groupe CDU/CSU.