Intervention de Mme Nahles, présidente du groupe SPD, le 22 janvier 2018 à Berlin
Madame Andrea Nahles (SPD) :
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, Monsieur de Rugy, Monsieur le Président Schäuble, chers collègues, chers invités, oui, ce 22 janvier 1963 était un jour particulier. C’était un jour de la réconciliation, mais c’était aussi un jour de renouveau, d’entrée dans une ère nouvelle des relations franco-allemandes.
Depuis que Charles de Gaulle et Konrad Adenauer ont rendu possible ce renouveau en signant le Traité de l’Élysée, 55 ans ont passé. Une chose est devenue claire au cours de ces 55 ans : les relations franco-allemandes sont – nous pouvons l’affirmer à juste titre – des relations uniques, mais elles ne sont pas quelque chose d’évident. Au contraire : elles sont un trésor, un trésor véritablement précieux, qu’il nous faut choyer.
Nous tous, ici, avons le devoir et la responsabilité de préserver cet héritage et, avec la résolution que nous allons adopter aujourd’hui, de le porter plus avant, de le développer et de l’approfondir.
La société civile et les citoyens des villes et des communes ont été le véritable moteur qui se cachait il y a 55 ans derrière ce traité ; ils ont rendu possible très concrètement le processus de réconciliation. Dans ma ville d’origine de Mayen, où j’allais à l’école, un jumelage a été conclu avec la ville de Joigny, immédiatement après la signature du traité, et ce jumelage est encore bien vivant : chaque année, deux à trois visites au moins sont organisées. On compte aujourd’hui en Allemagne 22 jumelages régionaux et 2 200 jumelages entre villes, 4 300 jumelages entre écoles, et 40 partenariats d’écoles proposant un enseignement bilingue. Ils représentent la colonne vertébrale de cette amitié franco-allemande, qui ne se vit pas seulement dans ce parlement, mais aussi dans nos pays, dans les écoles, dans les villes et les communes. Je pense que ce réseau étroit doit sans cesse continuer d’être tissé.
Tout cela est devenu possible parce que la confiance a grandi, par exemple à travers la poignée de main, que je veux rappeler ici, entre le président Mitterrand et le chancelier Kohl à Verdun, en 1984, ou grâce à la participation conjointe du chancelier Schröder et du président Chirac aux cérémonies du 60e anniversaire, en 2004, du Débarquement allié en Normandie. Sans la confiance mutuelle, cela n’aurait pas été possible. Justement nous, Allemands, disons merci pour cette confiance !
Je proviens de Rhénanie-Palatinat : voilà un point commun avec mon collège, M. Kauder. Il y a là-bas, ne fût-ce qu’en raison de la situation géographique, d’innombrables points de rencontre avec nos voisins français. Les possibilités d’entretenir l’amitié franco-allemande sont nombreuses, également dans le domaine culinaire et culturel, mais aussi, bien sûr, dans la politique sociétale. Par exemple, au cours des trois dernières années, 33 écoles maternelles de Rhénanie-Palatinat ont intégré le réseau des écoles maternelles bilingues « Élysée 2020 » ; à l’horizon 2020, il doit y avoir 200 écoles maternelles bilingues en tout. Cette mise en réseau, qui permet ensuite d’aller plus loin, est absolument centrale.
Qu’il me soit permis de rappeler, en tant qu’ancienne ministre fédérale du Travail, que les agences pour l’emploi entretiennent elles aussi une collaboration très intense dans les régions frontalières. Il est désormais possible dans ces régions que les travailleurs français et allemands qui travaillent dans l’autre pays puissent se référer à l’agence de l’emploi de ce pays. Ce travail fonctionne bien, et je voudrais dire que nous avons besoin de davantage de projets très concrets comme ceux-là, qui approfondissent et consolident ce que l’Europe fait, une Europe sans frontières, dans laquelle nous ne voulons plus de frontières, même dans le futur. S’il existe encore de telles frontières – y compris dans les esprits – nous devons nous employer à les faire tomber. Cela doit rester notre objectif, et c’est le mandat décisif que j’assume, également aujourd’hui.
Un autre point a été évoqué : l’intégration des migrants et des réfugiés est une tâche qui sollicite intensivement nos deux pays. Ici aussi, nous avons trouvé une voie qui nous permet d’avoir un échange, en l’occurrence à travers le Conseil franco-allemand de l’intégration, que je voudrais expressément mentionner ici. Au sein de ce conseil, nous échangeons nos points de vue, nous tirons profit des expériences du partenaire, nous cherchons le dialogue, nous nous battons pour des solutions. Je veux le souligner avec force : c’est là une mesure importante pour permettre l’intégration, pour réduire l’extranéité et pour montrer clairement que cette Europe est un projet communautaire, mais elle aussi un projet d’ouverture au monde et de tolérance.
Je me bats pour que cet échange franco-allemand devienne et reste, au-delà de nos deux pays, l’esprit de l’Europe. De nos jours, il n’apparaît plus si évident de dire cela.
Nous voudrions également affirmer haut et fort que nous avons besoin d’un renouveau pour l’Europe. Il ne s’agit pas seulement de jeter un regard en arrière, qui nous remplit de satisfaction, mais il y a aussi une attente : ensemble, nous devons et nous voulons réussir pour l’avenir de l’Europe. C’est pourquoi il est important, dans une période où ici, en Allemagne, nous nous démenons pour former un gouvernement, de saluer le discours tenu par le président Macron à la Sorbonne, à Paris.
Ce discours a trouvé chez nous également un grand écho, car nous l’avons compris comme un important signal en faveur de l’Europe. C’est pourquoi je voudrais dire ici : merci ! pour cette démarche entreprise par le président de la République française. Avec les Français, nous œuvrerons avec une même gravité et une même résolution à ce pacte pour l’Europe.
Nous voulons une politique européenne progressive, et nous voulons soutenir de toutes nos forces le renouvellement de l’Union européenne. Permettez-moi de dire que nous voulons aussi donner tout particulièrement une place centrale aux citoyens – ainsi que vous l’avez formulé, Monsieur de Rugy. Cela veut dire, par exemple, que nous devons nous opposer résolument au dumping salarial et aux inégalités sociales en Europe. Mais cela implique aussi que nous protégions nos intérêts – y compris face aux grandes entreprises – devant des pratiques de dumping fiscal.
Cela signifie enfin que nous avons besoin ici, de toute évidence, d’un nouvel élan pour une Europe plus sociale, plus proche des citoyens, et qu’ensemble, Français et Allemands, nous pouvons faire avancer les choses, comme je le crois, de manière extraordinaire. Je vois à cet égard de nombreux points d’accord entre nos deux pays.
Permettez-moi de conclure par une anecdote. En marge des entretiens exploratoires des derniers jours, nous avons vu des manifestations pro-européennes devant le siège du Parti social-démocrate. Certaines personnes tenaient des pancartes avec le portrait de votre président Emmanuel Macron, et lui faisaient dire la phrase suivante : « ça te dirait de sortir avec moi ? »
Même si l’expression relève plus du romantisme de cour d’école que de la politique internationale, Konrad Adenauer et Charles de Gaulle, en signant le Traité de l’Élysée il y a aujourd’hui 55 ans, ont précisément répondu à cette question par un « ja » et par un « oui » des plus clairs.
Ce « oui », nous voulons le redire avec force aujourd’hui. Nous allons adopter, aussi bien ici au Bundestag allemand qu’à l’Assemblée nationale, à Paris, une résolution commune qui renforce encore le rôle des parlements dans la coopération franco-allemande et qui invite les deux gouvernements à approfondir leur collaboration.
Je suis très heureuse que nous célébrions cette journée en compagnie de nos collègues venus de France. Oui et ja : voilà ce que nous disons aujourd’hui, avec tout notre cœur et toute notre conviction.
Je vous remercie.
Monsieur Wolfgang Schäuble, président:
La parole est à M. Alexander Gauland, président du groupe AfD.