Parlament

M. Lammert au sujet du centenaire des massacres des Arméniens

Président du Bundestag allemand, Norbert Lammert

Président du Bundestag allemand, Norbert Lammert (© Bundestag allemand/Melde)

Vendredi 24 avril 2015, le président du Bundestag allemand, Norbert Lammert, a qualifié devant le Bundestag de génocide les déportations et massacres d’Arméniens commis il y a 100 ans. Pour M. Lammert, par les expériences qu’ils ont vécues, les Allemands peuvent encourager les autres à faire face à leur histoire : « L’autocritique et le rangement aux côtés de la vérité sont la condition de la réconciliation. » Il est nécessaire pour cela, a-t-il poursuivi, de dire quelle a été la coresponsabilité de l’Empire allemand dans les crimes commis.

Introduction au débat sur le centenaire des déportations et massacres des Arméniens, le 24 avril 2015

Chers Collègues,

le point qui suit à l’ordre du jour traite d’un événement historique d’une grande importance, qui a eu des conséquences durables, non seulement pour la relation de voisinage entre la Turquie et l’Arménie. Rien que l’annonce de ce débat au Bundestag allemand a suscité une grande attention dans l’opinion publique.

Le génocide est un crime du droit des gens, qui désigne les actes commis dans l’intention « de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». Ce qui s’est déroulé durant la Première Guerre mondiale dans l’Empire ottoman, sous les yeux du monde, fut un génocide. Il ne restera pas le dernier des génocides du XXe siècle. Notre devoir est d’autant plus grand, au moment de témoigner notre respect pour les victimes et de reconnaître notre responsabilité dans les causes et les conséquences de ces événements, de ne pas éluder ni de minimiser les crimes alors perpétrés.

Nous, Allemands, ne pouvons donner de leçon à personne sur la manière d’aborder son propre passé. Mais, par les expériences que nous avons vécues, nous pouvons encourager les autres à faire face à leur histoire, même si cela est douloureux : l’autocritique et le rangement aux côtés de la vérité sont la condition de la réconciliation. Il est nécessaire pour cela de dire quelle a été la coresponsabilité de l’Empire allemand dans les crimes commis il y a 100 ans. Bien que les dirigeants du Reich aient été amplement informés de ce qui se passait, ils n’ont pas utilisé les possibilités d’influence qui étaient les leurs ; l’alliance militaire avec l’Empire ottoman était à leurs yeux plus importante qu’une intervention pour sauver des vies humaines.

Admettre cette complicité de l’Allemagne est la condition de notre crédibilité face aux Arméniens, et face à la Turquie.

Au-delà des faits historiques, un sens doit être donné à l’histoire, qui par conséquent est nécessairement politique. On peut déplorer cette controverse, mais elle est nécessaire – et elle doit avoir sa place au parlement. Depuis les expériences de violence sans précédent qu’a connues le XXe siècle, nous savons qu’il ne peut y avoir de paix véritable tant que justice n’est pas rendue aux victimes, à leurs familles et à leurs descendants, en mémoire de ce qui s’est passé.

Aujourd’hui aussi, des femmes et des hommes sont victimes de persécutions, pour des motifs politiques, ethniques, mais également religieux : parmi eux, des milliers de chrétiens. En accueillant bien plus qu’un million de réfugiés, la Turquie fournit une aide humanitaire immense, trop rarement reconnue, et qui devrait faire honte à certains en Europe. Cette disposition à prendre ses responsabilités dans le présent, nous la soulignons, et nous ne l’oublions pas lorsque nous appelons à prendre conscience de la responsabilité pour son propre passé.

Le gouvernement actuel de la Turquie n’est pas responsable de ce qui s’est passé il y a 100 ans, mais bien de ce qu’il en advient. Nous saluons expressément que le gouvernement turc, dans une cérémonie qu’il a lui-même organisée, ait fait un pas vers les descendants des victimes et vers le voisin arménien, mais nous saluons surtout les nombreux Turcs et Kurdes courageux qui se sont engagés, depuis des années déjà, avec des Arméniens, dans un travail de mémoire sincère sur ce sombre chapitre de leur histoire commune : il y a parmi eux des écrivains, des journalistes, des maires ou des chefs religieux. Je pense au prix Nobel de littérature Orhan Pamuk, au journaliste Hrant Dink, qui a payé de sa vie son engagement pour la vérité historique. Ils méritent notre soutien, et ils en ont besoin. C’est à cela que doit contribuer notre débat d’aujourd’hui.